Me Daniel Ngos est avocat au barreau du Cameroun. Dans une interview accordée à Signatures, ce spécialiste en droit du sport, par ailleurs SG du Synafoc, analyse la situation qui prévaut à la Fécafoot.
Eto’o peut-il sauver le football camerounais ?
Nous pensons que l’erreur serait d’imaginer un président de la Fécafoot comme un Zorro ayant de super pouvoirs et capable de tout faire seul. Cependant, force est de constater que depuis son élection à la tête de la Fédération, le président Eto’o a posé des actes qui démontrent à suffisance qu’il est soucieux du redressement de notre football. Il a rassemblé autour de son projet, la quasi-totalité des acteurs du football camerounais.
Il a instauré un dialogue entre les différentes entités qui composent la Fédération ; il fait revenir les sponsors majeurs de la Fédération et en a convaincu de nouveaux ; mais encore une fois, il ne peut y arriver que s’il maintient de manière durable cette dynamique qu’il a su créer autour de son projet et à la condition que tous les acteurs du football l’y accompagnent. Le Synafoc s’y est engagé en soutenant sa candidature et est en ordre de bataille pour l’accompagner dans cette entreprise certes ardue, mais aucunement impossible.
Parmi les adversaires les plus virulents du président actuel, le ministre des Sports. Que faut-il pour normaliser une fois pour toutes les relations entre ces deux structures, condamnées pourtant à travailler ensemble ?
Il ne devrait pas y avoir de guerre entre la Fédération et sa tutelle qu’est le Minsep. Vous l’avez-vous même dit, les deux structures sont condamnées à travailler ensemble pour le développement de notre football. A mon avis si chacune d’elles se limite à jouer sa partition et collabore sincèrement avec d’autres, nous arriverons à des résultats extraordinairement bienfaisants pour notre football.
L’Etat camerounais peut-il accepter se désengager de la gestion du football comme on l’observe ailleurs ?
Le dernier débat sur la nomination de l’entraîneur de la sélection A des Lions indomptables du Cameroun a apporté quelques clarifications sur cet aspect de la gestion du football camerounais. L’Etat depuis son sommet a pris position claire sur la question en reconnaissant à la Fécafoot, le droit de désigner en relation avec tutelle, l’équipe des entraîneurs en remplacement de celle conduite pour Mr Conceiçao.
Il n’aurait jamais pu en être autrement au regard du décret N° 2014/384 du 26 septembre 2014 portant organisation et fonctionnement des sélections nationales de football. Quant au football de manière générale, les dispositions des articles 44 et suivants de la Loi N° 2018/014 du 18 juillet 2018 portant organisation et promotion des activités sportives à qui l’Etat délègue la gestion d’un pan de l’activité sportive. On devrait donc s’attendre à ce que la question du désengagement de l’Etat ne se pose même pas.
Les footballeurs camerounais peuvent-ils gérer eux-mêmes et entre eux le football ? Ce sport n’est-il pas trop important pour le laisser entre les seules mains des footballeurs ?
Comme vous le savez, le football est organisé et géré par plusieurs acteurs : les footballeurs, les entraîneurs, les arbitres, les médecins de sport, les présidents de clubs, les partenaires etc. Toutes ces composantes peuvent donc légitimement prétendre à la gestion du football.
Aujourd’hui c’est un footballeur qui est à la tête de la Fédération et je ne pense pas qu’il ait déclaré que seuls les footballeurs doivent gérer le football. Au contraire, c’est un artisan du rassemblement de la grande famille du football, au regard des actes qu’il pose. Poser par conséquent le problème en ces termes me semble hors de propos.
En dehors des problèmes de légitimité des membres de l’Assemblée générale habilités à élire le nouvel exécutif de la Fédération, les textes actuels de la Fécafoot sont-ils désormais conformes à ceux de la Caf et de la Fifa ?
Les textes de toute organisation sont toujours perfectibles. Il n’existe pas de textes statiques qui n’évoluent pas en fonction du contexte et bien sûr en se conformant aux textes des organisations auxquelles cette dernière est affiliée et à la loi. Pour ce qui est de la Fécafoot, je pense qu’il existe des organes internes à la Fifa et à la Caf qui veillent sur la conformité des textes des fédérations nationales aux leurs.
Quant au Synafoc, ce qui l’intéresse au-delà de tout est la question de savoir si les textes de la Fécafoot favorisent l’épanouissement des footballeurs et footballeuses. C’est ce qui a par exemple provoqué en 2020, la sortie du Synafoc lorsque le salaire minimum du footballeur était aligné au Smig.
Il en a été de même, il y a quatre ans, lorsque la Fécafoot adoptait ses statuts en excluant la présence des corps de métiers au niveau des ligues, contrairement aux dispositions de la Loi de 2018 sur l’organisation et la promotion des activités physiques et sportives. Aujourd’hui, toutes ces situations ont été rétablies. Quant à l’Ag de 2009, son rôle à notre avis devait se limiter à adopter les nouveaux textes afin de permettre le déclenchement du processus électoral de la base jusqu’à la mise en place d’une nouvelle Ag chargée d’élire le nouvel exécutif.
Les décisions de la Chambres nationales des résolutions des litiges (Cnrl) de la Fédération n’ont jamais été appliquées jusqu’ici. A présent que le nouvel exécutif a pris langue avec le Synafoc, ne peut-on pas s’attendre à beaucoup de remous dans les divers championnats ?
En effet, depuis des mois et même des années, le Synafoc a saisi à maintes reprises les organes juridictionnels compétents de la Fécafoot afin de contraindre les clubs condamnés par Cnrl à se conformer à ses décisions sans succès jusque-là. Prenant le taureau par les cornes, le nouvel exécutif de la Fécafoot, au cours de la réunion du 24 janvier 2022, avait pris l’engagement de faire appliquer les décisions de la Cnrl.
C’est ce qui s’est matérialisé avec un certain nombre de décisions prises le 21 avril dernier par la Commission fédérale d’homologation et de discipline a rendu d’importantes décisions à la requête du Synafoc, sanctionnant les clubs concernés pour avoir refusé d’exécuter les décisions de la Cnrl. C’est une avancée historique dans la protection des droits des joueurs que nous espérons voir perdurer et surtout assainir les rapports entre les joueurs et les clubs de notre championnat.