Si le judo camerounais est aujourd’hui sur le toit de l’Afrique et même du monde, c’est grâce aux performances d’une dame dans la catégorie des +78kg. Il s’agit de la judokate Richelle Anita Soppi Mbella. Cette année 2024, la judokate au parcours atypique est inarrêtable et ramasse tout sur son passage comme un ouragan. Notre rédaction est allée à la rencontre de cette championne récemment rentrée de Côte d’Ivoire après l’obtention sa médaille d’or à l’African Judo Open 2024. Dans cet article, découvrez notre entretien avec la 4e judokate au classement mondial actuel (hommes et femmes confondus).
Journaliste : Bonjour Anita ou devrais-je dire la quadruple médaillée d’or.
Richelle Anita : Bonjour Claude Stéphane, merci pour cet interview que vous m’accordez. Vous pouvez m’appeler comme ça vous plaît.
Journaliste : C’est nous qui vous remercions pour votre disponibilité. Qui est Richelle Anita Soppi Mbella ? Comment vous sentez-vous après ces exploits réalisés en 2024 ?
Richelle Anita : Je suis Soppi Mbella Richelle, judokate camerounaise dans la catégorie des +78kg, qualifiée pour les jeux olympiques Paris 2024. Je me sens bien, je ne peux qu’être fière de moi au regard de mon classement mondial actuel (4e mondial, ndlr) car cela est passé par des durs moments de travail très intenses, des durs moments de douleur, des moments vraiment où on se sent mal parce qu’on doit pousser, on soit fouiller au fond de soi, pour pouvoir donner le meilleur de soi, pour atteindre ces résultats là. Ils ne s’obtiennent pas aussi facilement que ça car il faut se donner à fond, il faut travailler dur. Être médaillée d’or dans une compétition, ça relève vraiment d’un travail acharné parce tout le monde qui vient dans une compétition, quelque soit son degré de force ou de faiblesse, a les mêmes objectifs d’avoir cette médaille. Du coup ça devient vraiment une bataille. Donc, remporter 4 médailles d’or pour moi cette année, c’est vraiment énorme. Mais cela est passé par des durs moments, des moments vraiment durs. Cela est passé par un travail vraiment acharné, avec mes encadreurs et aussi les coéquipiers. Donc, le résultat est satisfaisant, on se dit qu’on a pas perdu du temps. On est content, c’est vraiment énorme. La 4e place mondiale, c’est vraiment énorme ! Voir le drapeau du Cameroun être au milieu des meilleurs juste après la légende Teddy Riner comme vous le dites, c’est satisfaisant.
Journaliste : Comment vous êtes-vous retrouvé dans la pratique du judo ?
Richelle Anita : Étant petite mon rêve était de faire les arts martiaux, beaucoup plus le karaté. C’est ce que je connaissais parce que j’avais un oncle qui faisait le karaté. Et vu que j’étais un peu un enfant agité, j’aimais un peu ce qui concerne la bagarre avec les garçons. Mais mes parents n’étaient pas d’accord. J’entre dans le monde judo étant déjà adulte. C’est-à-dire, je commence à faire judo dans les 22-23 ans par là. J’arrive à l’université, à l’époque je jouais au handball donc moi je savais que quand j’y arrive je m’inscris à l’équipe de handball de l’université de Douala. C’était naturel vu que c’était ma passion, mon kiff de l’époque, j’ai toujours joué au handball. Sauf que, quand j’arrive à l’université de Douala pour les pré-inscriptions, j’étais entrain d’aller au centre médico pour faire mon certificat médical et il y a un monsieur, il m’aperçoit et il vient directement à côté de moi, il me saisit le bras et j’entends seulement : « Comme la dame ci». Moi je me tourne et je le regarde, il me dit :
-Madame, vous faites le sport ?
Je dis oui, je joue au handball. Il me dit :
-Non viens, je fais te proposer autre chose.
Je lui demande quoi. Il me répond :
-Le judo.
Je lui réponds non, moi je ne sais pas ce que c’est, je n’ai pas la force. Il m’a dit :
-Je te prends, tu pars faire le judo, si en un an tu n’es pas championne, tu repars faire le sport que tu veux.
Et, j’hésite un peu mais en même temps je suis attirée parce que je veux savoir ce que c’est. Je veux un peu réaliser mon rêve d’enfance de pratiquer ces arts martiaux mais en même temps je suis déjà assez vieille pour ça, est-ce que je pourrais. Il me dit :
-Non viens, je vois en toi le potentiel, tu as d’abord déjà joué au handball, c’est déjà un atout pour toi, tu as la carrure qu’il faut, tu as tout ce qu’il faut. Chez les femmes ça va plus vite, c’est plus facile. Tu peux t’imposer facilement.
Je lui dis d’accord, bon on essaie. C’est comme ça que j’écris mon nom, sur la liste qu’il avait. Quand il lit mon nom, il fait le rapprochement avec ma tribu vu que nous sommes de la même tribu. Il me dit, il me parle en ma langue, il me demande :
-Tu es du village ? Je réponds oui, il rajoute :
-Mais là, si tu es de mon village, je vais plus te laisser partir parce que tu es ma fille. C’est obligé que tu le fasses maintenant.
C’est comme ça qu’il a été mon maître, il m’a pris sous son aile, il a commencé à me former. Maître Hermann a qui je dis infiniment merci parce que c’est lui qui m’a déniché si je peux le dire. Malheureusement, on a pas fait long chemin ensembles parce qu’un an plus tard il a dû aller aux États-Unis pour des raisons personnelles. Il m’a laissé entre les mains de quelqu’un d’autre qui a pris la peine de me former. Une personne qui a fait de moi ce que je suis aujourd’hui. Je t’appelle qu’à cette époque quand il m’a dit je te prends en un an, tu es championne, il n’avait pas tord. En moins d’un an, j’ai été aux jeux universitaires où j’ai fait médaille d’argent en individuel et médaille d’or par équipe. De là, je prends goût à la chose, je m’y mets vraiment. L’année d’après je suis médaille d’or aux jeux universitaires et c’est comme ça que tout est parti jusqu’aujourd’hui. Je me suis retrouvé entre les mains des personnes qui ont vraiment pris à cœur ma formation. Ils se sont engagés malgré mes moments de faiblesse, malgré tout. Mon maître Zambo Michel à qui je dis énormément merci. Si je suis ce que je suis aujourd’hui c’est grâce à eux. Tous ces maîtres par qui je suis passé, tous ceux-là qui m’ont un jour appris quelque chose, mes entraîneurs de l’équipe nationale, c’est à eux que je dois le mérite de tout aujourd’hui pour ma formation en judo, je leurs dis merci vraiment.
Journaliste : Comment préparez-vous les jeux olympiques auxquels vous allez participer dans quelques semaines ?
Richelle Anita : Pour la préparation des jeux olympiques et des autres compétitions auxquelles nous avons pris part, la fédération a toujours été là à son niveau. Elle nous a toujours apporté son soutien à son niveau. Je pense que s’occuper de tout ce qui concerne nos voyages, nos entraînements, tout ce qu’elle peut nous apporter, la fédération a toujours été là pour nous à son niveau bien-sûr. Notre fédération n’en est pas une richissime, les moyens qu’elle peut avoir, elle les met à notre disposition pour pouvoir nous permettre de faire ce que nous avons à faire, de donner le meilleur de nous. Je pense que même pour la préparation des ces JO, c’est un processus qui est lancé depuis. C’est pas comme si c’est une nouvelle préparation qu’on mettra. On va juste corriger, on continue dans un travail qui est mis sur pied et la fédération est là depuis tout ce temps. Elle nous accompagne, elle nous soutient dans la mesure du possible pour que nous puissions parvenir à des meilleurs résultats.
Journaliste : Quel est votre objectif en allant à ces jeux olympiques Paris 2024 ?
Richelle Anita : Nous allons au jeux olympiques, le vœux le plus cher c’est être bien-sûr être championne olympique. C’est plus beau à entendre, ça va être beau à assumer ce statut. On est content parce qu’on va faire les JO, c’est la plus grande compétition mondiale qui existe. Mais, il y a un rêve derrière ça, c’est être championne olympique. C’est avoir une médaille olympique parce que c’est la crème de la crème qui se retrouve aux jeux olympiques. Si les championnats du monde sont difficiles, je pense que les jeux olympiques sont trois fois plus difficiles. Alors pour moi, mon rêve est de faire podium aux jeux olympiques, écrire mon nom dans les annales du sport mondial, dans les annales du judo mondial. Faire une médaille d’or, une médaille d’argent, une médaille de bronze, en fait pour moi, mon rêve c’est prendre l’une des marches du podium olympique. Je pense que tout ça est réalisable, tout ça est faisable et le travail qui suit peut nous permettre d’atteindre cet objectif.
Journaliste : Merci de nous avoir accordé de votre temps et surtout bonne préparation pour les JO 2024 et bonne chance pour la quête d’une médaille.
Richelle Anita : Merci, c’est moi qui vous remercie pour votre soutien à toujours parler de moi.
Richelle Anita Soppi Mbella, qui brille de mille feux cette année 2024 avec déjà 4 médailles d’or dans des tournois majeurs, va aller à la conquête de l’or olympique. Celle qui s’est retrouvé dans le judo par hasard, ou du moins sous le coup d’œil de son maître Hermann, a à cœur de hisser le drapeau camerounais au sommet pendant les jeux olympiques de cet été.